QUE LES IDÉES GERMENT ENCORE. QUE LE FEU BRÛLE ENCORE.

Au cours des cinq dernières années, Eldvarm est devenue le foyer des accessoires pour cheminée alliant la fonctionnalité à un design supérieur. Aujourd’hui, Louise Varre, sa fondatrice, se livre lors d’une interview intime. Elle nous explique en quoi les contenus rédigés et les rencontres en face à face participent à sa tentative de rassembler les gens autour du feu.

Interview avec la fondatrice d'Elvarm, Louise Varre

À l’autre bout du fil, en pleine tempête de neige suédoise (et, à l’échelle mondiale, en pleine pandémie qui continue de nous maintenir éloignés les uns des autres), la voix entrecoupée de Louise Varre évoque deux choses qui nous semblent malheureusement lointaines : le feu et l’irrépressible besoin humain de contact social. Louise a employé ces deux dernières années à réfléchir à ce vaste sujet qui lui tient à cœur. Il définit la vision courageuse et nouvelle qu’elle a développé pour son entreprise, Eldvarm.

« Depuis les accessoires pour cheminée de nos débuts, je veux étendre l’univers d’Eldvarm en intégrant tous les moments que nous associons au feu », explique-t-elle. « Que faisons-nous au coin du feu ? Nous créons des liens, nous racontons des histoires, nous lisons des livres. Alors, pourquoi ne pas publier des histoires ? Pouvons-nous recréer ces connexions intimes à travers des rencontres et des événements, voire des excursions dédiées à un rituel du feu ? Tant que nous respectons notre fil rouge de la réunion au coin du feu et des contes, nous n’avons aucune limite. »

Avec un tiers des stands à disposition d’un bar dédié, les salons d’Eldvarm sont depuis longtemps des réunions de nature sociale. Ces événements ont rassemblé de nombreuses personnes jusqu’alors étrangères, et même renforcé certaines amitiés de Louise. Afin de favoriser ce genre de rencontres fortuites, Louise et la nouvelle direction de l’entreprise prévoient d’ouvrir une salle d’exposition et un bureau à Paris d’ici la fin de l’année. Ce sera, espère-t-elle, les premiers d’une longue série de sites dans le monde entier. « J’aime imaginer cet espace comme une sorte de laboratoire des connexions, où nous discuterons autour du feu de certaines thématiques dans un esprit de recherche. »

Louise a fondé Eldvarm en septembre 2014, après avoir étudié le marché et repéré un manque d’accessoires pour cheminées à la fois beaux et fonctionnels. Ce segment avait été négligé par le secteur traditionnel de la cheminée, souvent guindé, et le monde du design. La gamme de produits et la réputation d’Eldvarm ont depuis connu une croissance exponentielle, passant d’une position de relative stabilité à l’audacieuse remise en question de sa vision. Le pas était difficile à franchir : peu d’enseignes du secteur de la cheminée osent tutoyer les domaines de l’anthropologie et le monde des contes.

La décision de redéfinir l’entreprise vient à la fois de racines structurelles profondes et d’une intuition personnelle. Louise révèle que la décision a été prise suite à une phase de réflexion intense suscitée par le décès de son frère Gustaf en 2018, à seulement trente-quatre ans. Juste avant les funérailles, elle devait partir en voyage d’affaires à Los Angeles. Sur place, elle a décidé d’utiliser son temps libre pour effectuer un pèlerinage à Joshua Tree. Cette petite ville du haut désert californien est célèbre pour sa résonance spirituelle.

« Je devais aller au bout de cette exploration, comme si le deuil et la douleur avaient été momentanément suspendus », se souvient-elle. « Comme je ressentais le désir ardent de revenir à la nature, j’ai fait un bain sonore, de la méditation… Un véritable pèlerinage hippie. J’étais seule, je ne parlais à personne, et les trajets en voiture m’offraient de longs moments pour penser. En me rappelant la façon dont Gustaf a disparu du jour au lendemain (le jour de son anniversaire de mariage, après avoir déposé sa fille à la garderie) et dont tous ses projets sont partis en fumée en un clin d’œil, j’ai réalisé que je ne pouvais plus repousser ce que je voulais faire de ma vie. Je devais le faire maintenant, et cela impliquait d’aligner ma raison d’être avec mon entreprise. »

Définir les liens entre son entreprise et une mission plus vaste relevait du tour de force. Pourtant, Louise a réussi à résumer son objectif dans un postulat ouvert : « guérir grâce au relationnel ». En définitive, elle vise à favoriser les rencontres éclectiques qui sont, selon elle, transcendantes. « J’ai toujours été très sociable. J’adore les rencontres fortuites, en avion par exemple. Très souvent, les conversations sont complètement honnêtes puisqu’on ne connaît même pas le nom de son interlocuteur. C’est un carrefour du hasard, où les personnes créent des liens avant de repartir vers des continents différents. Qu’il s’agisse de déjeuner avec des clients ou de rencontrer des visiteurs lors de nos expositions, je trouve toujours passionnant de créer du lien avec des étrangers. »

La récente pandémie de coronavirus, avec le renforcement des bulles sociales, a mis un terme à ces rencontres spontanées, même si de nombreuses personnes étaient déjà isolées avant cela. « Je partage mon temps entre la Suède et la France, et je ressens une grande différence », constate Louise. « En Suède, tout est très anonyme. Nous ne nous déplaçons que dans les grands centres commerciaux, et les personnes âgées sont souvent isolées. En France, en revanche, j’ai tout plein d’interactions avec mon boucher, mon poissonnier, mon boulanger. J’ai clairement remarqué l’influence de ces interactions sur mon humeur. C’est extrêmement important d’avoir un sentiment d’appartenance à la société, de se sentir à sa place, d’être vue. »

Le feu (l’une des pierres angulaires de l’humanité, la raison pour laquelle nos ancêtres ont commencé à se rassembler en groupes sociaux mixtes) est l’ambassadeur tout choisi de ce sentiment d’appartenance. En plus d’incarner le cœur physique des accomplissements d’Eldvarm, il est la parfaite métaphore de ce que l’entreprise veut réaliser. « C’est la journaliste scientifique Gaia Vince qui m’a finalement donné le déclic », raconte Louise. « Dans son livre Transcendence, elle explique comment les humains sont nés autour du feu. C’est à ce moment-là que l’interdépendance a vraiment gagné en importance. Les histoires racontées au coin du feu sont ainsi devenues un moyen de créer de la confiance et de l’empathie, pour bâtir des relations plus solides. »

L’origine de cette évolution remonte à un million et demi d’années. Par comparaison, notre passage du feu à l’électricité et au chauffage central n’est qu’un point infime sur cette frise chronologique. Par nature, nous sommes voués à nous unir et partager nos histoires. « Certains scientifiques affirment que nos liens avec d’autres êtres humains sont notre principal levier de survie », rapporte Louise. « C’est pourquoi le rejet et le sentiment de solitude sont si douloureux, y compris physiquement. » Si on n’en meurt plus, ajoute-t-elle, les conséquences sur notre santé sont réelles. Des études suggèrent qu’une discussion honnête en face à face (par exemple avec le facteur), même brève, peut s’avérer plus efficace qu’un appel vidéo avec un proche pour réduire notre niveau de cortisol et notre pression sanguine.

Le manque de contact humain révèle notre vulnérabilité en tant qu’espèce. Cette qualité est omniprésente dans l’esprit de Louise, alors qu’elle travaille au prochain chapitre d’Eldvarm. D’ailleurs, la vulnérabilité est l’un des nouveaux principes de l’entreprise, Louise ayant écarté les agences spécialisées en stratégie de marque qui tentaient de la détourner à grands cris de cette notion commercialement « risquée ». Notre propre ouverture, argue-t-elle, est un élément fondamental pour avoir un échange significatif. Pour nous connecter, nous devons nous mettre à nu. Par extension, Louise a accepté de partager son histoire. « C’est assez effrayant. Je me sens exposée, c’est une chose vraiment intime. Mais c’est nécessaire pour faire avancer l’entreprise dans la direction que je souhaite », affirme-t-elle. « Par-dessus tout, je suis très enthousiaste à l’idée d’entrer dans cette nouvelle phase. »

En fin de compte, précise-t-elle, ce nouveau cap n’est pas un pivot, mais plutôt une expansion de ce qu’Eldvarm a toujours fait. C’est, selon ses termes, « un nouvel anneau de croissance sur l’arbre ». Il y a plusieurs années, son amie Trisha a eu l’idée d’un poème ou d’un adage afin d’incarner la philosophie d’Eldvarm : « Pour que les étincelles dansent encore / Que les paroles pleuvent encore / Que les idées germent encore / Que le feu brûle encore. » Ce n’est que récemment que Varre a fait le rapprochement. « C’est amusant », remarque-t-elle. « C’était écrit sur notre tout premier catalogue, nous l’avions depuis le début. Il m’a juste fallu un peu de temps pour m’en rendre compte et relier les deux éléments. »

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